Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

torité de cette mère si douce, les deux jeunes gens avaient pris appétit aux voyages, ce complément indispensable de l’éducation de l’étudiant allemand, et ils avaient résolu de visiter Paris :

Werner, à cause du spectacle étrange que devait présenter la capitale de la France au milieu de la période de Terreur où elle était parvenue ;

Hoffmann, pour comparer la musique française à la musique italienne, et surtout pour étudier les ressources de l’Opéra français comme mise en scène et décors, Hoffmann ayant dès cette époque l’idée qu’il caressa toute sa vie de se faire directeur de théâtre.

Werner, libertin par tempérament, quoique religieux par éducation, comptait bien en même temps profiter pour son plaisir de cette étrange liberté de mœurs à laquelle on était arrivé en 1793, et dont un de ses amis, revenu depuis peu d’un voyage à Paris, lui avait fait une peinture si séduisante, que cette peinture avait tourné la tête du voluptueux étudiant.

Hoffmann comptait voir les musées dont on lui avait dit force merveilles, et, flottant encore dans sa manière, comparer la peinture italienne à la peinture allemande.

Quels que fussent d’ailleurs les motifs secrets qui poussassent les deux amis, le désir de visiter la France était égal chez tous deux.

Pour accomplir ce désir, il ne leur manquait qu’une chose, l’argent. Mais, par une coïncidence étrange, le hasard avait voulu que Zacharie et Hoffmann eussent le même jour reçu chacun de sa mère cinq frédérics d’or.

Dix frédérics d’or faisaient à peu près deux cents livres,