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Eh bien ! c’est dans une chambre située au premier étage d’une maison dont les fenêtres donnent de biais sur le portail de l’église des Jésuites, que nous allons conduire nos lecteurs, en leur faisant seulement observer que nous les rajeunissons de plus d’un demi-siècle, et que nous en sommes, comme millésime, à l’an de grâce ou de disgrâce 1793, et comme quantième au dimanche 10 du mois de mai. Tout est donc en train de fleurir : les algues au bord du fleuve, les marguerites dans la prairie, l’aubépine dans les haies, la rose dans les jardins, l’amour dans les cœurs.

Maintenant ajoutons ceci : c’est qu’un des cœurs qui battaient le plus violemment dans la ville de Mannheim et dans les environs était celui du jeune homme qui habitait cette petite chambre dont nous venons de parler, et dont les fenêtres donnaient de biais sur le portail de l’église des Jésuites.

Chambre et jeune homme méritent chacun une description particulière.

La chambre, à coup sûr, était celle d’un esprit capricieux et pittoresque tout ensemble, car elle avait à la fois l’aspect d’un atelier, d’un magasin de musique et d’un cabinet de travail.

Il y avait une palette, des pinceaux et un chevalet, et sur ce chevalet une esquisse commencée.

Il y avait une guitare, une viole d’amour et un piano, et sur ce piano une sonate ouverte.

Il y avait une plume, de l’encre et du papier, et sur ce papier un commencement de ballade griffonné.

Puis, le long des murailles, des arcs, des flèches, des arbalètes du quinzième siècle, des gravures du seizième, des