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arriver à la Comédie-Française, m’était un empêchement. J’avais écrit, depuis deux ou trois jours, ce dernier vers, qui a été si fort sifflé et si fort applaudi :

Eh bien… j’en ai pitié, mon père : qu’on l’achève !

En dessous de ce vers, j’avais écrit le mot fin : il ne me restait plus rien à faire que de lire ma pièce à messieurs les comédiens du roi et à être reçu ou refusé par eux.

Malheureusement, à cette époque, le gouvernement de la Comédie-Française était, comme le gouvernement de Venise, républicain, mais aristocratique, et n’arrivait pas qui voulait près des sérénissimes seigneurs du Comité.

Il y avait bien un examinateur chargé de lire les ouvrages des jeunes gens qui n’avaient encore rien fait, et qui, par conséquent, n’avaient droit à une lecture qu’après examen ; mais il existait dans les traditions dramatiques de si lugubres histoires de manuscrits attendant leur tour de lecture pendant un ou deux ans, et même trois ans, que moi, familier du Dante et de Milton, je n’osais point affronter ces limbes, tremblant que ma pauvre Christine n’allât augmenter tout simplement le nombre de :

Questi sciaurati che mai non fur vivi.

J’avais entendu parler de Nodier comme protecteur-né de tout poëte à naître. Je lui demandai un mot d’introduction près du baron Taylor. Il me l’envoya. Huit jours après j’avais lecture au Théâtre-Français, et j’étais à peu près reçu.