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doubles louis, et ils ruisselèrent du chapeau sur le marbre, avec ce bruit d’or si remarquable et si facile à distinguer entre tous les bruits.

Puis, après le chapeau, il vida ses poches, et l’une après l’autre ses poches dégorgèrent l’immense butin qu’il venait de faire au jeu.

Un monceau d’or mobile et resplendissant s’entassa sur la table.

À ce bruit, Arsène sembla se ranimer ; elle tourna la tête, et la vue parut achever la résurrection commencée par l’ouïe.

Elle se leva, toujours raide et immobile ; mais sa lèvre pâle souriait, mais ses yeux vitreux, s’éclaircissant, lançaient des rayons qui se croisaient avec ceux de l’or.

— Oh ! dit-elle, c’est à toi tout cela ?

— Non, pas à moi, mais à toi, Arsène.

— À moi ! fit la danseuse.

Et elle plongea dans le monceau de métal ses mains pâles.

Les bras de la jeune fille disparurent jusqu’au coude.

Alors cette femme, dont l’or avait été la vie, sembla reprendre vie au contact de l’or.

— À moi ! disait-elle, à moi ! et elle prononçait ces paroles d’un accent vibrant et métallique qui se mariait d’une incroyable façon avec le cliquetis des louis.

Deux garçons entrèrent, portant une table toute servie, qu’ils faillirent laisser tomber en apercevant cet amas de richesses que pétrissaient les mains crispées de la jeune fille.