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coucha, et dormit comme on dort à dix-huit ans. Ce fut donc le lendemain seulement, en ouvrant les yeux, qu’il pensa à la pincée de sable, au microscope et au taratantaleo.

Hélas ! pendant la nuit le sable avait séché, et le pauvre taratantaleo, qui sans doute avait besoin d’humidité pour vivre, était mort. Son petit cadavre était couché sur le côté, ses roues étaient immobiles. Le bateau à vapeur n’allait plus, le vélocipède était arrêté.

Mais, tout mort qu’il était, l’animal n’en était pas moins une curieuse variété des éphémères, et son cadavre méritait d’être conservé aussi bien que celui d’un mammouth ou d’un mastodonte ; seulement, il fallait prendre, on le comprend, des précautions bien autrement grandes pour manier un animal cent fois plus petit qu’un ciron, qu’il n’en faut prendre pour changer de place un animal dix fois gros comme un éléphant.

Ce fut donc avec la barbe d’une plume que Nodier transporta sa pincée de sable de la cage de son microscope dans une petite boîte de carton, destinée à devenir le sépulcre du taratantaleo.

Il se promettait de faire voir ce cadavre au premier savant qui se hasarderait à monter ses six étages.

Il y a tant de choses auxquelles on pense à dix-huit ans, qu’il est bien permis d’oublier le cadavre d’un éphémère. Nodier oublia pendant trois mois, dix mois, un an peut-être, le cadavre du taratantaleo.

Puis, un jour, la boîte lui tomba sous la main. Il voulut voir quel changement un an avait produit sur son animal. Le temps était couvert, il tombait une grosse pluie d’orage.