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avant d’y venir, mais tant qu’il y est, il est respectable et doit être considéré. Il est l’image du besoin et non du caprice. On l’acquiert, on ne le gagne pas ; il n’est pas jeté brusquement comme de simples jetons par la main du croupier, il est méthodiquement compté pièce à pièce, lentement par le changeur, et avec tout le respect qui lui est dû. Il est silencieux, et c’est là sa grande éloquence : aussi Hoffmann, dans l’imagination duquel une comparaison de ce genre ne mettait qu’une minute à passer, se mit-il à trembler que le changeur ne voulût jamais lui donner de l’or si réel contre son médaillon. Il se crut donc forcé, quoique ce fût une perte de temps, de prendre des périphrases et des circonlocutions pour en arriver à ce qu’il voulait, d’autant plus que ce n’était pas une affaire qu’il venait proposer, mais un service qu’il venait demander à ce changeur.

— Monsieur, lui dit-il, c’est moi qui, tout à l’heure, suis venu changer des thalers pour de l’or.

— Oui, monsieur, je vous reconnais, fit le changeur.

— Vous êtes allemand, monsieur ?

— Je suis d’Heidelberg.

— C’est là que j’ai fait mes études.

— Quelle charmante ville !

— En effet.

Pendant ce temps, le sang d’Hoffmann bouillait. Il lui semblait que chaque minute qu’il donnait à cette conversation banale était une année de sa vie qu’il perdait.

Il reprit donc en souriant :

— J’ai pensé qu’à titre de compatriote vous voudriez bien me rendre un service.