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à la lisière du tapis. Il se trouva là entre un homme debout, vêtu d’une carmagnole, et un vieillard assis et faisant des calculs avec un crayon sur du papier.

Ce vieillard, qui avait usé sa vie à chercher une martingale, usait ses derniers jours à la mettre en œuvre, et ses dernières pièces à la voir échouer. La martingale est introuvable comme l’âme.

Entre les têtes de tous ces hommes, assis et debout, apparaissaient des têtes de femmes qui s’appuyaient sur leurs épaules, qui pataugeaient dans leur or, et qui, avec une habileté sans pareille et ne jouant pas, trouvaient moyen de gagner sur le gain des uns et sur la perte des autres.

À voir ces gobelets pleins d’or et ces pyramides d’argent, on eût eu bien de la peine à croire que la misère publique était si grande, et que l’or coûtait si cher.

L’homme en carmagnole jeta un paquet de papiers sur un numéro.

— Cinquante livres, dit-il pour annoncer son jeu.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? demanda le croupier en amenant ces papiers avec son râteau et en les prenant avec le bout des doigts.

— Ce sont des assignats, répondit l’homme.

— Vous n’avez pas d’autre argent que celui-là ? fit le croupier.

— Non, citoyen.

— Alors vous pouvez faire place à un autre.

— Pourquoi ?

— Parce que nous ne prenons pas ça.

— C’est la monnaie du gouvernement.