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vent, dont l’un brûle comme le feu, dont l’autre gèle comme la glace, qui font, disons-nous, que son cœur bondit dans sa poitrine sous le désir ou la réalité, comme un cheval sous l’éperon, absorbe comme une éponge toutes les facultés de l’âme, les comprime, les retient, et, le coup joué, les rejette brusquement autour de lui pour les ressaisir avec plus de force.

Ce qui fait la passion du jeu plus forte que toutes les autres, c’est que, ne pouvant jamais être assouvie, elle ne peut jamais être lassée. C’est une maîtresse qui se promet toujours et qui ne se donne jamais. Elle tue, mais ne fatigue pas.

La passion du jeu c’est l’hystérie de l’homme.

Pour le joueur tout est mort : famille, amis, patrie. Son horizon, c’est la carte et la bille. Sa patrie, c’est la chaise où il s’assied, c’est le tapis vert où il s’appuie. Qu’on le condamne au gril comme saint Laurent, et qu’on l’y laisse jouer, je parie qu’il ne sent pas le feu et qu’il ne se retourne même pas.

Le joueur est silencieux. La parole ne peut lui servir à rien. Il joue, il gagne, il perd ; ce n’est plus un homme : c’est une machine. Pourquoi parlerait-il ?

Le bruit qui se faisait dans les salons ne provenait donc pas des joueurs, mais des croupiers qui ramassaient l’or et qui criaient d’une voix nasillarde :

— Faites vos jeux.

En ce moment, Hoffmann n’était plus un observateur, la passion le dominait trop, sans quoi il eût eu là une série d’études curieuses à faire.

Il se glissa rapidement au milieu des joueurs et arriva