Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce temps comme de nos jours, inspirait plus de confiance que le costume national.

Un pays n’est jamais tant méprisé que par lui-même.

— Où est le n° 113 ? demanda Hoffmann à la fille qui lui avait pris le bras.

— Ah ! c’est là que tu vas, fit l’Aspasie avec dédain. Eh bien ! mon petit, c’est là où est cette lanterne rouge. Mais tâche de garder deux louis, et souviens-toi du 115.

Hoffmann se plongea dans l’allée indiquée comme Curtius dans le gouffre, et, une minute après, il était dans le salon de jeu.

Il s’y faisait le même bruit que dans une vente publique.

Il est vrai qu’on y vendait beaucoup de choses.

Les salons rayonnaient de dorures, de lustres, de fleurs et de femmes plus belles, plus somptueuses, plus décolletées que celles d’en bas.

Le bruit qui dominait tous les autres était le bruit de l’or. C’était là le battement de ce cœur immonde.

Hoffmann laissa à sa droite la salle où l’on taillait le trente et quarante, et passa dans le salon de la roulette.

Autour d’une grande table verte étaient rangés les joueurs, tous gens réunis pour le même but et dont pas un n’avait la même physionomie.

Il y en avait de jeunes, il y en avait de vieux, il y en avait dont les coudes s’étaient usés sur cette table. Parmi ces hommes, il y en avait qui avaient perdu leur père la veille, ou le matin, ou le soir même, et dont toutes les pensées étaient tendues vers la bille qui tournait. Chez le joueur, un seul sentiment continue à vivre, c’est le désir, et ce sentiment se nourrit et s’augmente au détriment de