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s’étaient mis les membres du Cercle Social et les actionnaires du Cirque. Tandis que tous les quartiers de Paris étaient sombres et déserts, tandis que les sinistres patrouilles, faites des geôliers du jour et des bourreaux du lendemain, rôdaient comme des bêtes fauves cherchant une proie quelconque, tandis qu’autour du foyer privé d’un ami ou d’un parent mort ou émigré, ceux qui étaient restés chuchotaient tristement leurs craintes ou leurs douleurs, le Palais-Royal rayonnait, lui, comme le dieu du mal ; il allumait ses cent quatre-vingts arcades, il étalait ses bijoux aux vitraux des joailliers, il jetait enfin au milieu des carmagnoles populaires et à travers la misère générale ses filles perdues, ruisselantes de diamans, couvertes de blanc et de rouge, vêtues juste ce qu’il fallait pour l’être, de velours ou de soie, et promenant sous les arbres et dans les galeries leur splendide impudeur. Il y avait dans ce luxe de la prostitution une dernière ironie contre le passé, une dernière insulte faite à la monarchie.

Exhiber ces créatures avec ces costumes royaux, c’était jeter la boue après le sang au visage de cette charmante cour de femmes si luxueuses, dont Marie-Antoinette avait été la reine et que l’ouragan révolutionnaire avait emportées de Trianon à la place de la guillotine, comme un homme ivre qui s’en irait traînant dans la boue la robe blanche de sa fiancée.

Le luxe était abandonné aux filles les plus viles ; la vertu devait marcher couverte de haillons.

C’était là une des vérités trouvées par le Cercle Social.

Et cependant ce peuple, qui venait de donner au monde une impulsion si violente, ce peuple parisien, chez lequel,