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Et en disant ces mots Werner se leva.

— Où vas-tu ? lui demanda Hoffmann.

— Je vais voir une maîtresse à moi, une dame de la Comédie-Française qui m’honore de ses bontés, et que je gratifie de la moitié de mes bénéfices. Dame ! je suis poëte, moi, je m’adresse à un théâtre littéraire ; tu es musicien, toi, tu fais ton choix dans un théâtre chantant et dansant. Bonne chance au jeu, cher ami, tous mes complimens à mademoiselle Arsène. N’oublie pas le numéro de la banque, c’est le 113. Adieu.

— Oh ! murmura Hoffmann, tu me l’avais dit et je ne l’avais pas oublié.

Et il laissa s’éloigner son ami Werner, sans plus songer à lui demander son adresse qu’il ne l’avait fait la première fois qu’il l’avait rencontré.

Mais, malgré l’éloignement de Werner, Hoffmann ne resta point seul. Chaque parole de son ami s’était faite pour ainsi dire visible et palpable : elle était là brillante à ses yeux, murmurante à ses oreilles.

En effet, où Hoffmann pouvait-il aller puiser de l’or, si ce n’était à la source de l’or ! La seule réussite possible à un désir impossible n’était-elle pas trouvée ? Eh ! mon Dieu ! Werner l’avait dit. Hoffmann n’était-il pas déjà infidèle à une partie de son serment ? qu’importait donc qu’il le devînt à l’autre ?

Puis, Werner l’avait dit, ce n’étaient pas vingt-cinq mille livres, cinquante mille livres, cent mille livres, qu’il pouvait gagner. Les horizons matériels des champs, des bois, de la mer elle-même, ont une limite : l’horizon du tapis vert n’en a pas.