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les charrettes étaient passées, il se retourna et vit, à son grand étonnement, descendant d’une chaise où il était monté pour mieux voir, son ami Zacharias Werner.

— Werner ! s’écria Hoffmann en s’élançant vers le jeune homme, Werner !

— Tiens, c’est toi, fit le poëte, où étais-tu donc ?

— Là, là, mais les mains sur mes oreilles pour ne pas entendre les cris de ces malheureux, mais les yeux fermés pour ne pas les voir.

— En vérité, cher ami, tu as tort, dit Werner, tu es peintre ! Et ce que tu eusses vu t’eût fourni le sujet d’un merveilleux tableau. Il y avait dans la troisième charrette, vois-tu, il y avait une femme, une merveille, un cou, des épaules et des cheveux ! coupés par-derrière, c’est vrai, mais de chaque côté tombant jusqu’à terre.

— Écoute, dit Hoffmann, j’ai vu sous ce rapport tout ce que l’on peut voir de mieux ; j’ai vu madame Du Barry, et je n’ai pas besoin d’en voir d’autres. Si jamais je veux faire un tableau, crois-moi, cet original-là me suffira ; d’ailleurs, je ne veux plus faire de tableaux.

— Et pourquoi cela ? demanda Werner.

— J’ai pris la peinture en horreur.

— Encore quelque désappointement.

— Mon cher Werner, si je reste à Paris, je deviendrai fou.

— Tu deviendras fou partout où tu seras, mon cher Hoffmann ; ainsi autant vaut à Paris qu’ailleurs ; en attendant, dis-moi quelle chose te rend fou.

— Oh ! mon cher Werner, je suis amoureux.

— D’Antonia, je sais cela, tu me l’as dit.