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peine pour aller de la porte Saint-Martin à la rue Montmartre ; cette fois il mit plus d’une heure, et plus d’une heure encore pour aller de la rue Montmartre à son hôtel ; car, dans l’espèce d’abattement où il était tombé, peu lui importait de rentrer tôt ou tard, peu lui importait même de ne pas rentrer du tout.

On dit qu’il y a un Dieu pour les ivrognes et les amoureux ; ce Dieu-là, sans doute, veillait sur Hoffmann. Il lui fit éviter les patrouilles ; il lui fit trouver les quais, puis les ponts, puis son hôtel, où il rentra, au grand scandale de son hôtesse, à une heure et demie du matin.

Cependant, au milieu de tout cela, une petite lueur dorée dansait au fond de l’imagination d’Hoffmann, comme un feu follet dans la nuit. Le médecin lui avait dit, si toutefois ce médecin existait, si ce n’était pas son imagination, une hallucination de son esprit ; le médecin lui avait dit qu’Arsène avait été enlevée au théâtre par son amant, attendu que cet amant avait été jaloux d’un jeune homme placé à l’orchestre, avec lequel Arsène avait échangé de trop tendres regards.

Ce médecin avait ajouté, en outre, que ce qui avait porté la jalousie du tyran à son comble, c’est que ce même jeune homme avait été vu embusqué en face de la porte de sortie des artistes ; c’est que ce même jeune homme avait couru en désespéré derrière la voiture ; or, ce jeune homme qui avait échangé de l’orchestre des regards passionnés avec Arsène, c’était lui, Hoffmann ; or, ce jeune homme qui s’était embusqué à la porte de sortie des artistes, c’était encore lui, Hoffmann ; enfin, ce jeune homme qui avait couru désespérément derrière la voiture, c’était toujours lui, Hoff-