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lève un grand bâtiment sombre et triste d’aspect nommé l’Arsenal.

Une partie du terrain sur lequel s’étend cette lourde bâtisse s’appelait, avant le creusement des fossés de la ville, le Champ-au-Plâtre. Paris, un jour qu’il se préparait à la guerre, acheta le champ et fit construire des granges pour y placer son artillerie. Vers 1533, François Ier s’aperçut qu’il manquait de canons et eut l’idée d’en faire fondre. Il emprunta donc une de ces granges à sa bonne ville, avec promesse bien entendu de la rendre dès que la fonte serait achevée ; puis, sous prétexte d’accélérer le travail, il en emprunta une seconde, puis une troisième, toujours avec la même promesse ; puis, en vertu du proverbe qui dit que ce qui est bon à prendre est bon à garder, il garda sans façon les trois granges empruntées.

Vingt ans après, le feu prit à une vingtaine de milliers de poudre qui s’y trouvaient enfermés. L’explosion fut terrible ; Paris trembla comme tremble Catane les jours où Encelade se remue. Des pierres furent lancées jusqu’au bout du faubourg Saint-Marceau ; les roulemens de ce terrible tonnerre allèrent ébranler Melun. Les maisons du voisinage oscillèrent un instant, comme si elles étaient ivres, puis s’affaissèrent sur elles-mêmes. Les poissons périrent dans la rivière, tués par cette commotion inattendue ; enfin, trente personnes, enlevées par l’ouragan de flammes, retombèrent en lambeaux : cent cinquante furent blessées. D’où venait ce sinistre ? Quelle était la cause de ce malheur ? On l’ignora toujours : et, en vertu de cette ignorance, on l’attribua aux protestans.

Charles IX fit reconstruire sur un plus vaste plan les