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— Arsène !

— Ah oui ! Arsène, dit la petite vieille. Arsène ! vous aussi, jeune homme, vous en êtes amoureux comme tout le monde. C’est une grande perte pour l’Opéra, surtout pour nous autres ouvreuses.

— Pour vous autres ouvreuses, demanda Hoffmann, heureux de se rattacher à quelqu’un qui lui parlât de la danseuse, et comment donc est-ce une perte pour vous qu’Arsène soit ou ne soit plus au théâtre ?

— Ah dame ! c’est bien facile à comprendre cela : d’abord, toutes les fois qu’elle dansait, elle faisait salle comble ; alors c’était un commerce de tabourets, de chaises et de petits bancs à l’Opéra, tout se paye. On payait les petits bancs, les chaises et les tabourets de supplément, c’étaient nos petits profits. Je dis petits profits, ajouta la vieille d’un air malin, parce qu’à côté de ceux-là, citoyen, vous comprenez, il y avait les grands.

— Les grands profits ?

— Oui.

Et la vieille cligna de l’œil.

— Et quels étaient les grands profits ? voyons, ma bonne femme.

— Les grands profits venaient de ceux qui demandaient des renseignemens sur elle, qui voulaient savoir son adresse, qui lui faisaient passer des billets. Il y avait prix pour tout, vous comprenez ; tant pour les renseignemens, tant pour l’adresse, tant pour le poulet ; on faisait son petit commerce, enfin, et l’on vivait honnêtement.

Et la vieille poussa un soupir qui, sans désavantage, pou-