Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Arsène eût illuminé la place où elle eût dansé. Ce qui ajoutait encore à l’originalité de cette fille, c’est que, sans raison aucune, elle portait dans ce rôle de nymphe, car elle jouait ou plutôt elle dansait une nymphe, elle portait, disons-nous, un petit collier de velours noir, fermé par une boucle, ou, du moins, par un objet qui paraissait avoir la forme d’une boucle, et qui, fait en diamans, jetait des feux éblouissans.

Le médecin regardait cette femme de tous ses yeux, et son âme, l’âme qu’il pouvait avoir, semblait suspendue au vol de la jeune femme. Il est bien évident que, tant qu’elle dansait, il ne respirait pas.

Alors Hoffmann put remarquer une chose curieuse : qu’elle allât à droite, à gauche, en arrière ou en avant, jamais les yeux d’Arsène ne quittaient la ligne des yeux du docteur et une visible corrélation était établie entre les deux regards. Bien plus, Hoffmann voyait très distinctement les rayons que jetait la boucle du collier d’Arsène et ceux que jetait la tête de mort du docteur, se rencontrer à moitié chemin dans une ligne droite, se heurter, se repousser et rejaillir en une même gerbe faite de milliers d’étincelles blanches, rouges et or.

— Voulez-vous me prêter votre lorgnette, monsieur ? dit Hoffmann, haletant et sans détourner la tête, car il lui était impossible à lui aussi de cesser de regarder Arsène.

Le docteur étendit la main vers Hoffmann sans faire le moindre mouvement de la tête, si bien que les mains des deux spectateurs se cherchèrent quelques instants dans le vide avant de se rencontrer.

Hoffmann saisit enfin la lorgnette et y colla ses yeux.