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danse de Marie-Antoinette, et qui devint plus tard maître des ballets de l’empereur.

— Le Jugement de Pâris, murmura le poëte en regardant fixement l’affiche comme pour se graver dans l’esprit, à l’aide des yeux et de l’ouïe, la signification de ces trois mots, Le Jugement de Pâris !

Et il avait beau répéter les syllabes qui composaient le titre du ballet, elles lui paraissaient vides de sens, tant sa pensée avait de peine à rejeter les souvenirs terribles dont elle était pleine, pour donner place à l’œuvre empruntée par M. Gardel jeune à l’Iliade d’Homère.

Quelle étrange époque que cette époque, où, dans une même journée, on pouvait voir condamner le matin, voir exécuter à quatre heures, voir danser le soir, et où l’on courait la chance d’être arrêté soi-même en revenant de toutes ces émotions !

Hoffmann comprit que, si un autre que lui ne lui disait pas ce qu’on jouait, il ne parviendrait pas à le savoir, et que peut-être il deviendrait fou devant cette affiche.

Il s’approcha donc d’un gros monsieur qui faisait queue avec sa femme, car de tout temps les gros hommes ont eu la manie de faire queue avec leur femme, et il lui dit :

— Monsieur, que joue-t-on ce soir ?

— Vous le voyez bien sur l’affiche, monsieur, répondit le gros homme ; on joue Le Jugement de Pâris.

— Le jugement de Pâris… répéta Hoffmann. Ah ! oui, le jugement de Pâris, je sais ce que c’est.

Le gros monsieur regarda cet étrange questionneur, et leva les épaules avec l’air du plus profond mépris pour ce jeune homme qui, dans ce temps tout mythologique, avait