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couvrir les gémissemens de cette fièvre qui touchait à la folie et atteignait le sublime du terrible.

Hoffmann se leva, ne sentant plus son cœur dans sa poitrine ; il se mit à courir après la charrette comme les autres, ombre nouvelle ajoutée à cette procession de spectres qui faisaient la dernière escorte d’une favorite royale.

Madame Du Barry, le voyant, cria encore :

— La vie ! la vie !… je donne tout mon bien à la nation ! Monsieur !… sauvez-moi !

— Oh ! pensa le jeune homme, elle m’a parlé ! Pauvre femme, dont les regards ont valu si cher, dont les paroles n’avaient pas de prix : elle m’a parlé !

Il s’arrêta. La charrette venait d’atteindre la place de la Révolution. Dans l’ombre épaissie par une pluie froide, Hoffmann ne distinguait plus que deux silhouettes : l’une blanche, c’était celle de la victime, l’autre rouge, c’était l’échafaud.

Il vit les bourreaux traîner la robe blanche sur l’escalier. Il vit cette forme tourmentée se cambrer pour la résistance, puis soudain, au milieu de ses horribles cris, la pauvre femme perdit l’équilibre et tomba sur la bascule.

Hoffmann l’entendit crier : « Grâce, monsieur le bourreau, encore une minute, monsieur le bourreau… » Et ce fut tout, le couteau tomba, lançant un éclair fauve.

Hoffmann s’en alla rouler dans le fossé qui borde la place.

C’était un beau tableau pour un artiste qui venait en France chercher des impressions et des idées.

Dieu venait de lui montrer le trop cruel châtiment de celle qui avait contribué à perdre la monarchie.