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avec la sagacité du poëte et du peintre, il devina la place célèbre par l’assassinat d’Henri IV.

Puis, toujours marchant, toujours cherchant, il arriva au milieu de la rue Saint-Honoré. Partout les boutiques se fermaient sur son passage. Hoffmann admirait la tranquillité de ce quartier ; les boutiques ne se fermaient pas seules, les fenêtres de certaines maisons se calfeutraient avec mesure, comme si elles eussent reçu un signal.

Cette manœuvre fut bientôt expliquée à Hoffmann ; il vit les fiacres se détourner et prendre les rues latérales ; il entendit un galop de chevaux et reconnut des gendarmes ; puis, derrière eux, dans la première brume du soir, il entrevit un pêle-mêle affreux de haillons, de bras levés, de piques brandies et d’yeux flamboyants.

Au-dessus de tout cela, une charrette.

De ce tourbillon qui venait à lui sans qu’il pût se cacher ou s’enfuir, Hoffmann entendit sortir des cris tellement aigus, tellement lamentables, que rien de si affreux n’avait jusqu’à ce soir-là frappé ses oreilles.

Sur la charrette était une femme vêtue de blanc. Ces cris s’exhalaient des lèvres, de l’âme, de tout le corps soulevé de cette femme.

Hoffmann sentit ses jambes lui manquer. Ces hurlemens avaient rompu les faisceaux nerveux, il tomba sur une borne, la tête adossée à des contrevens de boutique mal joints encore, tant la fermeture de cette boutique avait été précipitée.

La charrette arriva au milieu de son escorte de bandits et de femmes hideuses, ses satellites ordinaires ; mais, chose étrange ! toute cette lie ne bouillonnait pas, tous ces