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me il a vécu, n’osant pas même laisser après lui ses confessions, qui, à la rigueur, peuvent se laisser raconter, mais qui ne peuvent guère se lire.

» Vous avez déjà couru à la signature, n’est-ce pas, ma dame, et vous savez à qui vous avez affaire ; de sorte que maintenant vous vous demandez comment, entre ce magnifique lac qui est le tombeau d’une ville et le pauvre monument qui est le sépulcre d’un roi, l’auteur des Mousquetaires et de Monte-Christo a songé à vous écrire, à vous justement, quand à Paris, à votre porte, il demeure quelquefois un an tout entier sans aller vous voir.

» D’abord, madame, Paris est Paris, c’est-à-dire une espèce de tourbillon où l’on perd la mémoire de toutes choses, au milieu du bruit que fait le monde en courant et la terre en tournant. À Paris, voyez-vous, je fais comme le monde et comme la terre ; je cours et je tourne, sans Compter que, lorsque je ne tourne ni ne cours, j’écris. Mais alors, madame, c’est autre chose, et, quand j’écris, je ne suis déjà plus si séparé de vous que vous le pensez, car vous êtes une de ces rares personnes pour lesquelles j’écris, et il est bien extraordinaire que je ne me dise pas, lorsque j’achève un chapitre dont je suis content ou un livre qui est bien venu : Marie Nodier, cet esprit rare et charmant, lira cela ; et je suis fier, madame, car j’espère qu’après que Vous aurez lu ce que je viens d’écrire, je grandirai peut-être encore de quelques lignes dans votre pensée.

» Tant il y a, madame, pour en revenir à ma pensée, que cette nuit j’ai rêvé, je n’ose pas dire à vous, mais de vous, oubliant la houle qui balançait un gigantesque bâtiment à vapeur que le gouvernement me prête, et sur le-