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des intervalles rares et inégaux revint avec plus de régularité et finit par le poursuivre d’une obsession continuelle.

Hoffmann aimait Antonia de plus en plus. Hoffmann sentait qu’Antonia était nécessaire à sa vie, que c’était le bonheur de son avenir ; mais Hoffmann sentait aussi qu’avant de se lancer dans ce bonheur, et pour que ce bonheur fût durable, il lui fallait accomplir le pèlerinage projeté, ou, sans cela, le désir renfermé dans son cœur, si étrange qu’il fût, le rongerait.

Un jour qu’assis près d’Antonia, pendant que maître Gottlieb notait dans son cabinet le Stabat de Pergolèse, qu’il voulait exécuter à la société philharmonique de Francfort, Hoffmann était tombé dans une de ses rêveries ordinaires, Antonia, après l’avoir regardé longtemps, lui prit les deux mains.

— Il faut y aller, mon ami, dit-elle.

Hoffmann la regarda avec étonnement.

— Y aller ? répéta-t-il, et où cela ?

— En France, à Paris.

— Et qui vous a dit, Antonia, cette secrète pensée de mon cœur, que je n’ose m’avouer à moi-même ?

— Je pourrais m’attribuer près de vous le pouvoir d’une fée, Théodore, et vous dire : J’ai lu dans votre pensée, j’ai lu dans vos yeux, j’ai lu dans votre cœur ; mais je mentirais. Non, je me suis souvenue, voilà tout.

— Et de quoi vous êtes-vous souvenue, ma bien-aimée Antonia ?

— Je me suis souvenue que, la veille du jour où vous êtes venu chez mon père, Zacharias Werner y était venu et nous avait raconté votre projet de voyage, votre désir