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CXXXVI

LA MÉMOIRE DES ROIS.


Richelieu, comme il l’avait promis, s’était allé poster bravement sous le regard de Sa Majesté au moment où M. de Condé lui tendait sa chemise.

Le roi, en apercevant le maréchal fit un si brusque mouvement pour se détourner, que la chemise faillit tomber à terre, et que le prince, tout surpris, se recula.

— Pardon, mon cousin, dit Louis XV, afin de bien prouver au prince qu’il n’y avait rien de personnel pour lui dans ce brusque mouvement.

Aussi, Richelieu comprit-il parfaitement que la colère était pour lui.

Mais comme il était venu décidé à provoquer toute cette colère, si besoin était, afin d’avoir une explication sérieuse, il changea de face, comme à Fontenoy et s’alla poster à l’endroit où le roi devait passer pour entrer dans son cabinet.

Le roi, ne voyant plus le maréchal, se remit à parler librement et gracieusement ; il s’habilla, projeta une chasse à Marly, et consulta longuement son cousin, car MM. de Condé ont toujours eu la réputation d’être grands chasseurs.

Mais au moment de passer dans son cabinet, alors que tout le monde était déjà parti, il aperçut Richelieu posant avec toutes ses grâces pour la plus charmante révérence qu’il eût faite depuis Lauzun, qui, on se le rappelle, saluait si bien.

Louis XV s’arrêta presque décontenancé.

— Encore ici, monsieur de Richelieu ? dit-il.

— Aux ordres de Sa Majesté ; oui, sire.

— Mais Vous ne quittez donc pas Versailles ?