Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ah ! vous avez raison, cher comte ; j’ai pour vous les meilleures intentions du monde ; mais avouez que vous méritez plus que des intentions, vous si bon, si utile ; vous qui paraissez destiné à jouer dans ma vie le rôle de tuteur, c’est-à-dire le rôle le plus difficile que je connaisse.

— En vérité, madame, vous me rendez bien heureux ; j’ai donc pu vous être de quelque utilité ?

— Comment !… vous êtes devin, et vous ne devinez pas ?

— Laissez-moi au moins le mérite d’être modeste.

— Soit, mon cher comte ; je vais en conséquence vous parler d’abord de ce que j’ai fait pour vous.

— Je ne le souffrirai pas, madame ; parlons de vous, au contraire, je vous en supplie.

— Eh bien, mon cher comte, commencez d’abord par me prêter cette pierre qui rend invisible ; car il m’a semblé reconnaître dans mon voyage, si rapide qu’il fût, un des grisons de M. de Richelieu.

— Et ce grison, madame ?…

— Suivait ma voiture avec un coureur.

— Que pensez-vous de cette circonstance, et dans quel but vous faisait-il suivre ?

— Dans le but de me jouer quelque méchant tour de sa façon. Si modeste que vous soyez, monsieur le comte de Fœnix, croyez que Dieu vous a doué d’assez d’avantages personnels pour rendre un roi jaloux… de mes visites chez vous, ou de vos visites chez moi.

— M. de Richelieu, madame, répondit Balsamo, ne peut être dangereux pour vous en aucune rencontre.

— Mais il l’était, cher comte, il l’était cependant avant l’événement.

Balsamo comprit qu’il y avait là un secret que Lorenza ne lui avait point encore révélé. Il ne se hasarda point, en conséquence, sur le terrain de l’inconnu, et se contenta de répondre par un sourire.

— Il l’était, répéta la comtesse, et j’ai failli être la victime de la trame la mieux ourdie, dans laquelle vous étiez pour quelque chose, comte.