Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/55

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans laquelle elle était plongée, léthargie si voisine de la mort.

Lorenza rêvait, et dans le hideux miroir des sinistres songes, il lui semblait voir au milieu de l’obscurité qui commençait à tout assombrir, il lui semblait voir le plafond de chêne s’ouvrir circulairement, et quelque chose comme une grande rosace s’en détacher et descendre avec un mouvement égal, lent, mesuré, accompagné d’un sifflement lugubre ; il lui semblait que l’air lui manquait peu à peu, comme si elle eut été prête d’être étouffée sous la pression de ce cercle mouvant.

Il lui semblait enfin, sur cette espèce de trappe mobile, voir s’agiter quelque chose d’informe comme le Caliban de La Tempête, un monstre à visage humain, un vieillard, dont les yeux et les bras seuls étaient vivants, et qui la regardait avec ses yeux effrayants, et qui tendait vers elle ses bras décharnés.

Et elle, elle, la pauvre enfant, elle se tordait en vain pour pouvoir fuir, sans rien deviner du danger qui la menaçait, sans rien sentir, sinon l’étreinte de deux crampons vivants dont l’extrémité saisissait sa robe blanche, l’enlevait à son sofa et la transportait sur la trappe qui remontait lentement, lentement vers le plafond, avec ce grincement lugubre du fer glissant contre le fer, et un rire hideux, strident, qui s’échappait de la bouche hideuse de ce monstre à face humaine qui l’emportait vers le ciel, sans secousse et sans douleur.


CXXX

LE PHILTRE.


Comme l’avait prédit Lorenza, c’était madame du Barry qui venait de frapper à la porte.

La belle courtisane avait été introduite dans le salon. Elle attendait Balsamo en feuilletant ce livre curieux de la mort,