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qui t’aime n’est pas, tu le sais bien, la Lorenza que tu crains. D’ailleurs…

Elle s’arrêta en souriant.

— Quoi ? demanda Balsamo.

— Ne vois-tu donc pas dans mon âme comme je vois dans la tienne ?

— Hélas ! non.

— D’ailleurs, ordonne-moi de dormir jusqu’à ton retour ; ordonne-moi de rester immobile sur ce sofa, et je dormirai, et je resterai immobile.

— Eh bien, soit, ma Lorenza chérie, dors et attends-moi.

Lorenza, luttant déjà contre le sommeil, s’en alla chancelante tomber à demi renversée sur le sofa, en murmurant :

— À bientôt, mon Balsamo, à bientôt, n’est-ce pas ?

Balsamo la salua de la main ; Lorenza dormait déjà.

Mais si belle, si pure avec ses longs cheveux dénoués, sa bouche entrouverte, la rougeur fébrile de ses joues et ses yeux noyés — mais si loin de ressembler à une femme, que Balsamo revint près d’elle, lui prit la main, baisa ses bras et son cou, mais n’osa baiser ses lèvres.

Deux autres coups retentirent ; la dame s’impatientait, ou Fritz craignait que son maître n’eût pas entendu.

Balsamo s’élança vers la porte.

Comme il la refermait derrière lui, il crut entendre un second craquement pareil à celui qu’il avait déjà entendu ; il rouvrit la porte, regarda autour de lui et ne vit rien.

Rien que Lorenza couchée et haletante sous le poids de son amour.

Balsamo ferma la porte et courut vers le salon sans inquiétude, sans crainte, sans pressentiment, emportant le paradis dans son cœur.

Balsamo se trompait : ce n’était pas seulement l’amour qui oppressait la poitrine de Lorenza et faisait son souffle haletant.

C’était une espèce de rêve, qui semblait tenir à la léthargie