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seil est venu de moi. Cependant, j’aime assez ma sœur pour que ce conseil ne soit pas suspect, et le monde ne l’attribuera point à mon avarice. Je n’ai rien à gagner à la claustration d’Andrée : nous ne possédons rien ni l’un ni l’autre.

La dauphine s’arrêta, et, jetant à la dérobée un nouveau regard sur Philippe :

— Voilà ce que je disais tout à l’heure quand vous n’avez pas voulu me comprendre, monsieur ; vous n’êtes pas riche ?

— Votre Altesse…

— Pas de fausse honte, monsieur ; il s’agit du bonheur de cette pauvre fille… Répondez-moi sincèrement, comme un honnête homme… que vous êtes, j’en suis certaine.

L’œil brillant et loyal de Philippe rencontra celui de la princesse, et ne se baissa point.

— Je répondrai, madame, dit-il.

— Et bien, est-ce par nécessité que votre sœur veut quitter le monde ? Qu’elle parle ! Bon Dieu ! les princes sont malheureux ! Dieu leur a donné un cœur pour plaindre les infortunes, mais il leur a refusé cette clairvoyance suprême qui devine le malheur sous les voiles de la discrétion. Répondez donc franchement : est-ce cela ?

— Non, madame, dit Philippe avec fermeté ; non, ce n’est pas cela ; pourtant, ma sœur désire entrer au couvent de Saint-Denis, et nous ne possédons que le tiers de la dot.

— La dot est de soixante mille livres ! s’écria la princesse ; vous n’avez donc que vingt mille livres ?

— À peine, madame ; mais nous savons que Votre Altesse peut d’un mot, et sans bourse délier, faire admettre une pensionnaire.

— Certes, je le puis.

— Voilà donc l’unique faveur que j’oserai solliciter de Votre Altesse, si déjà elle n’a promis son intercession à quelqu’un auprès de madame Louise de France.

— Colonel, vous me surprenez étrangement, dit Marie-Antoinette ; quoi ! si près de moi, j’ai tant de noble misère ! Eh ! colonel, c’est mal de m’avoir ainsi trompée.

— Je ne suis pas colonel, madame, répliqua doucement