pas qu’on en puisse subir vivant l’expression telle que je vous la jette au visage.
Gilbert pâlit, deux larmes de rage brillèrent aux franges de ses paupières ; ses lèvres s’amincirent, pâlissantes, comme deux filets de nacre.
— Mademoiselle, dit-il tout frémissant, je ne suis pas si peu, en vérité, que je ne puisse servir à réparer la perte de votre honneur.
Andrée se redressa.
— S’il s’agissait d’honneur perdu, monsieur, dit-elle fièrement, ce serait de votre honneur à vous, et non du mien. Telle que je suis, mon honneur à moi est intact, et ce serait en vous épousant que je me déshonorerais !
— Je ne croyais pas, répondit Gilbert d’un ton froid et incisif, qu’une femme, lorsqu’elle est devenue mère, dût considérer autre chose au monde que l’avenir de son enfant.
— Et moi, je ne suppose point que vous osiez vous occuper de cela, monsieur, repartit Andrée dont les yeux étincelèrent.
— Je m’en occupe au contraire, mademoiselle, répondit Gilbert commençant à se relever sous le pied acharné qui le foulait. Je m’en occupe, car je ne veux pas que cet enfant meure de faim, comme cela arrive souvent dans les maisons des nobles, où les filles entendent l’honneur à leur manière. Les hommes se valent entre eux ; des hommes qui valaient eux-mêmes mieux que les autres ont proclamé cette maxime. Que vous ne m’aimiez pas, je le conçois, car vous ne voyez pas mon cœur ; que vous me méprisiez, je le conçois encore, vous ne savez pas ce que je pense ; mais que vous me refusiez le droit de m’occuper de mon enfant, jamais je ne le comprendrai. Hélas ! en cherchant à vous épouser, je ne contentais pas un désir, une passion, une ambition ; j’accomplissais un devoir, je me condamnais à être votre esclave, je vous donnais ma vie. Eh ! mon Dieu, vous n’eussiez jamais porté mon nom, si vous eussiez voulu, vous eussiez continué de me traiter comme le jardinier Gilbert, c’était juste ; mais, votre enfant,