Philippe, se rapprochant tout à coup :
— Monsieur, dit-il, mademoiselle de Taverney n’a pas été faible, elle est vaincue ! Elle a succombé, elle est tombée dans un piège.
— Dans un piège ?…
— Oui. Gardez, je vous prie, un peu de cette chaleur qui vous animait tout à l’heure pour flétrir ces misérables qui ont comploté lâchement la ruine de cet honneur sans tache.
— Je ne comprends pas…
— Vous allez comprendre… Un lâche, vous dis-je, a introduit quelqu’un dans la chambre de mademoiselle de Taverney…
Le baron pâlit.
— Un lâche, continua Philippe, a voulu que le nom de Taverney… le mien… le vôtre, monsieur, fût souillé d’une tache indélébile… Voyons ! où est votre épée de jeune homme, pour répandre un peu de sang ? La chose en vaut-elle la peine ?
— Monsieur Philippe…
— Ah ! ne craignez rien ; je n’accuse personne, moi ; je ne connais personne… Le crime s’est tramé dans l’ombre, exécuté dans l’ombre… le résultat disparaîtra dans l’ombre aussi, je le veux ! moi, qui entends à ma mode la gloire de ma maison.
— Mais, comment savez-vous ?… s’écria le baron revenu de sa stupeur par l’appât d’une infâme ambition, d’un ignoble espoir ; à quel signe reconnaissez-vous ?…
— C’est ce que ne demandera personne de ceux qui pourraient entrevoir ma sœur, votre fille, dans quelques mois, monsieur le baron !
— Mais alors, Philippe, s’écria le vieillard avec des yeux pleins de joie, alors la fortune et la gloire de la maison ne sont pas évanouies ; alors nous triomphons !
— Alors… vous êtes bien réellement l’homme que je pensais, dit Philippe avec un suprême dégoût ; vous vous êtes trahi vous-même, et vous venez de manquer d’esprit devant un juge, après avoir manqué de cœur devant votre fils.