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— Je vous en supplie…, répliqua Philippe avec une fermeté qui signifiait : « Je ne veux pas ! »

Le baron fronça le sourcil.

— Et votre sœur ?… Oublie-t-elle ses devoirs aussi ? Son service près de madame ?…

— Ce sont là des devoirs qu’elle doit subordonner à d’autres, monsieur.

— De quelle nature, s’il vous plaît ?

— De la plus impérieuse nécessité.

Le baron se leva.

— C’est une sotte espèce, grommela-t-il, que l’espèce des faiseurs d’énigmes.

— Est-ce bien une énigme pour vous, tout ce que je dis là ?

— Absolument, répondit le baron avec un aplomb qui étonna Philippe.

— Je m’expliquerai donc : ma sœur s’en va, parce qu’elle aussi est forcée de fuir pour éviter un déshonneur.

Le baron éclata de rire.

— Tudieu ! les enfants modèles que j’ai là ! s’écria-t-il. Le fils abandonne l’espoir d’un régiment, parce qu’il craint le déshonneur ; la fille abandonne un tabouret tout acquis, parce qu’elle a peur du déshonneur. En vérité, me voilà revenu au temps de Brutus et de Lucrèce. De mon temps, mauvais temps sans doute, et il ne vaut pas les beaux jours de la philosophie, quand un homme voyait venir de loin un déshonneur, et qu’il portait, comme vous, une épée au côté, et quand, comme vous, il avait pris des leçons de deux maîtres et de trois prévôts, il embrochait le premier déshonneur à la pointe de son épée.

Philippe haussa les épaules.

— Oui, c’est assez pauvre ce que je dis là, pour un philanthrope qui n’aime pas à voir couler le sang. Mais enfin, les officiers ne sont pas précisément nés pour être philanthropes.

— Monsieur, j’ai autant que vous la conscience des nécessités qu’impose le point d’honneur ; mais ce n’est pas le sang versé qui rachète…

— Phrases !… phrases de… de philosophe ! s’écria le vieillard