Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oh ! qui saura, quand j’aurai tué ce misérable, si c’est pour ma sœur que je l’aurai tué ?

— Il faudra bien trouver une cause à ce meurtre.

— Eh bien, soit, docteur, j’obéirai, je ne poursuivrai pas le coupable, mais Dieu sera juste ; oh ! oui, Dieu emploie l’impunité comme amorce, Dieu me renverra le criminel.

— Alors, c’est que Dieu l’aura condamné. Donnez-moi votre main, monsieur.

— La voilà.

— Que faut-il faire pour mademoiselle de Taverney ? Dites.

— Il faudrait, cher docteur, lui trouver, près de madame la dauphine, un prétexte de l’éloigner pour quelque temps : le regret du pays, l’air, le régime…

— C’est facile.

— Oui, cela vous regarde, et je m’en rapporte à vous. Alors j’emmènerai ma sœur en un coin quelconque de la France, à Taverney, par exemple, loin de tous les yeux, loin de tous les soupçons.

— Non, non, monsieur, ce serait impossible ; la pauvre enfant a besoin de soins permanents, de consolations assidues ; elle aura besoin de tous les secours de la science. Laissez-moi donc lui trouver près d’ici, dans un canton que je connais, une retraite cent fois plus cachée, cent fois plus sûre que ne le serait le pays sauvage où vous la conduiriez.

— Oh ! docteur, vous croyez ?

— Oui, je crois, et avec raison. Le soupçon tend toujours à s’éloigner des centres, comme font ces cercles grandissant causés par la pierre qui tombe dans l’eau ; la pierre cependant, ne s’éloigne pas, elle, et quand les ondulations se sont effacées, nul regard n’en trouve la cause, ensevelie qu’elle est sous la profondeur de l’eau.

— Alors, docteur, mettez-vous à l’œuvre.

— Dès aujourd’hui, monsieur.

— Prévenez madame la dauphine.

— Ce matin même.

— Et pour le reste ?…