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vous honorable, selon moi infâme ; de ma sœur, en un mot, dont je vous demande l’honneur l’épée à la main ?

Balsamo haussa les épaules.

— Eh ! bon Dieu ! murmura-t-il, que de détours pour en arriver à une chose si simple !

— Malheureux ! s’écria Philippe.

— Quelle déplorable voix vous avez, monsieur ! dit Balsamo avec la même impatience triste : vous m’assourdissez. Voyons, ne venez-vous pas de me dire que j’avais insulté votre sœur ?

— Oui, lâche !

— Encore un cri et une insulte inutiles, monsieur ; qui diable vous a donc dit que j’eusse insulté votre sœur ?

Philippe hésita ; le ton avec lequel Balsamo avait prononcé ces paroles le frappait de stupeur. C’était le comble de l’impudence, ou c’était le cri d’une conscience pure.

— Qui me l’a dit ? reprit le jeune homme.

— Oui, je vous le demande.

— C’est ma sœur elle-même, monsieur.

— Eh bien, monsieur, votre sœur…

— Vous alliez dire ? s’écria Philippe avec un geste menaçant.

— J’allais dire, monsieur, que vous me donnez, en vérité, de vous et de votre sœur une bien triste idée. C’est la plus laide spéculation du monde, savez-vous, que celle que font certaines femmes sur leur déshonneur. Or, vous êtes venu, la menace à la bouche, comme les frères barbus de la comédie italienne, pour me forcer, l’épée à la main, ou à épouser votre sœur, ce qui prouve qu’elle a grand besoin d’un mari, ou à vous donner de l’argent, parce que vous savez que je fais de l’or. Eh bien, monsieur, vous vous êtes trompé sur les deux points : vous n’aurez point d’argent, et votre sœur restera fille.

— Alors, j’aurai de vous le sang que vous avez dans les veines, s’écria Philippe, si toutefois vous en avez.

— Non, pas même cela, monsieur.

— Comment ?

— Le sang que j’ai, je le garde, et j’avais pour le répandre,