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— Mon frère, mon ami, fit Andrée de plus en plus étonnée, mais que me dites-vous donc là ? Que parlez-vous d’amour, à moi ?

— Andrée, j’aborde courageusement une question pleine de dangers pour vous, pleine d’angoisses pour moi-même. Je sais bien que solliciter ou plutôt exiger votre confiance en ce moment, c’est me perdre dans votre esprit ; mais j’aime mieux, et croyez que c’est cruel à dire pour moi, j’aime mieux sentir que vous m’aimez moins, que de vous laisser en proie aux malheurs qui vous menacent, malheurs effrayants, Andrée, si vous persévérez dans le silence que je déplore, et dont je ne vous eusse pas crue capable vis-à-vis d’un frère, d’un ami.

— Mon frère, mon ami, dit Andrée, je vous jure que je ne comprends rien à vos reproches.

— Andrée, voulez-vous que je vous fasse comprendre ?

— Oh ! oui… certes, oui.

— Mais alors, si, encouragé par vous, je parle avec trop de précision, si je provoque la rougeur à monter sur votre front, la honte à peser sur votre cœur, alors, ne vous en prenez qu’à vous, à vous qui m’avez forcé par d’injustes défiances à fouiller jusqu’au fond de cette âme pour en arracher votre secret.

— Faites, Philippe, et je vous jure que je ne saurais vous en vouloir de ce que vous ferez.

Philippe regarda sa sœur, se leva tout agité, et parcourut la chambre à grands pas. Il y avait, dans l’accusation qu’il formulait contre elle dans son esprit, et la tranquillité de cette jeune fille, une si étrange opposition, qu’il ne savait à quelle idée s’arrêter.

Andrée, de son côté, considérait son frère avec stupeur et se glaçait peu à peu au contact de cette solennité, si différente de la douce autorité fraternelle.

Aussi, avant que Philippe eût repris la parole, Andrée se leva-t-elle à son tour et alla-t-elle passer sou bras sous celui de son frère. Alors, le regardant avec une tendresse inexprimable :