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Une parole pleine de douceur, que prononça Philippe, fut heureusement entendue et comprise du sauvage enfant.

— Tu ne me reconnais donc pas, Gilbert ? lui cria Philippe.

Gilbert comprit sa folie et s’arrêta court.

Puis il revint sur ses pas, mais lentement et avec défiance.

— Non, monsieur le chevalier, dit le jeune homme tout tremblant ; non, je ne vous reconnaissais pas ; je vous avais pris pour un des gardes, et, comme je ne suis pas à mon ouvrage, j’ai craint d’être reconnu ici et noté pour une punition.

Philippe se contenta de l’explication, mit pied à terre, passa dans son bras la bride de son cheval, et appuyant l’autre main sur l’épaule de Gilbert, qui frissonna visiblement :

— Qu’as-tu donc, Gilbert ? demanda-t-il.

— Rien, monsieur, répondit celui-ci.

Philippe sourit avec tristesse.

— Tu ne nous aimes pas, Gilbert, dit-il.

Le jeune homme tressaillit une seconde fois.

— Oui, je comprends, continua Philippe ; mon père t’a traité avec injustice et dureté ; mais moi, Gilbert ?

— Oh ! vous…, murmura le jeune homme.

— Moi, je t’ai toujours aimé, soutenu.

— C’est vrai.

— Ainsi, oublie le mal pour le bien ; ma sœur aussi a toujours été bonne pour toi.

— Oh ! non, pour cela non ! répondit vivement l’enfant avec une expression que nul n’eût pu comprendre ; car elle renfermait une accusation contre Andrée, une excuse pour lui-même ; car elle éclatait comme l’orgueil, en même temps qu’elle gémissait comme un remords.

— Oui, oui, dit à son tour Philippe, oui, je comprends ; ma sœur est un peu hautaine, mais au fond elle est bonne.

Puis, après une pause, car toute cette conversation n’avait eu lieu que pour retarder une entrevue qu’un pressentiment lui faisait pleine de crainte :