tique savante ; on le fonde sur ce que vous avez feint, avec un art miraculeux, de rester seule la nuit, vous savez, la nuit où j’étais chez vous, où le roi était chez vous, et où M. d’Aiguillon était chez vous, la nuit où je suis sorti le premier, où le roi est sorti le second, et M. d’Aiguillon le troisième…
— Eh bien, achevez.
— Sur ce que vous avez feint de rester seule avec d’Aiguillon, comme s’il était votre amant ; de le faire sortir à petit bruit, le matin, de Luciennes, toujours comme s’il était votre amant ; et cela de façon à ce que deux ou trois imbéciles, deux ou trois gobe-mouches, comme moi, par exemple, le vissent pour l’aller crier sur les toits ; de sorte que le roi l’aura su, aura pris peur, et vite, vite, pour ne pas vous perdre, aura quitté la petite Taverney.
Madame Dubarry et d’Aiguillon ne savaient plus quelle contenance tenir.
Richelieu ne les gênait cependant ni par ses regards ni par ses gestes ; sa tabatière et son jabot paraissaient, au contraire, absorber toute son attention.
— Car enfin, continua le maréchal, tout en chiquenaudant son jabot, il paraît certain que le roi a quitté cette petite.
— Duc, reprit madame Dubarry, je vous déclare que je ne comprends pas un mot à toutes vos imaginations ; et je suis certaine d’une chose, c’est que le roi, si on lui en parlait, n’y comprendrait pas davantage.
— Vraiment ! fit le duc.
— Oui, vraiment ; et vous m’attribuez, et le monde m’attribue beaucoup plus d’imagination que je n’en ai ; jamais je n’ai voulu piquer la jalousie de Sa Majesté par les moyens que vous dites.
— Comtesse !
— Je vous jure.
— Comtesse, la parfaite diplomatie, et il n’y a pas de meilleurs diplomates que les femmes, la parfaite diplomatie n’avoue jamais qu’elle a rusé en vain ; car il y a un axiome en politique, je le sais, moi qui fus ambassadeur, un axiome qui