quoi M. Marat croit-il que c’est dame Grivette qui a volé sa montre ?
— Si ce n’est pas elle qui a volé la montre, dites qui.
— Je l’ignore.
— Vous voyez, dit Marat, la conscience est un refuge impénétrable.
— Eh bien, puisque vous n’avez plus que ce dernier doute, monsieur, dit Balsamo, vous allez bientôt être convaincu.
Puis, se retournant vers la portière :
— Dites qui, je le veux !
— Allons, allons, dit Marat, n’exigez pas l’impossible.
— Vous avez entendu, dit Balsamo ; j’ai dit que je voulais.
Alors, sous l’expression de cette impérieuse volonté, la malheureuse femme commença, comme une folle, à se tordre les mains et les bras ; un frémissement pareil à celui de l’épilepsie commença de lui courir par tout le corps ; sa bouche prit une expression hideuse de terreur et de faiblesse ; elle se renversa en arrière, se roidit comme dans une convulsion douloureuse, et tomba sur le lit.
— Non, non ! dit-elle, j’aime mieux mourir !
— Eh bien, s’écria Balsamo avec une colère qui fit jaillir la flamme de ses yeux, tu mourras s’il le faut, mais tu parleras. Ton silence et ton obstination seraient pour nous de suffisants indices ; mais, pour un incrédule, il faut la preuve la plus irréfragable. Parlez, je le veux : qui a pris la montre ?
L’exaspération nerveuse était portée à son comble ; tout ce que la somnambule avait de force et de pouvoir réagissait contre la volonté de Balsamo ; des cris inarticulés sortaient de sa bouche, une écume rougeâtre frangea ses lèvres.
— Elle va tomber en épilepsie, dit Marat.
— Ne craignez rien, c’est le démon du mensonge qui est en elle et qui ne veut pas sortir.
Puis, se tournant vers la femme en lui jetant à la face tout ce que sa main pouvait contenir de fluide :
— Parlez, dit-il, parlez ; qui a pris la montre ?
— Dame Grivette, répondit la somnambule d’une voix à peine intelligible.