— Qui diable voulez-vous qui me reconnaisse, rue Plâtrière ?
— Et vous avez loué ?…
— Un petit appartement dans une maison borgne.
— On a dû vous demander pour qui ?
— Sans doute.
— Et qu’avez-vous répondu ?
— Pour une jeune veuve. Es-tu veuve, Chon ?
— Parbleu ! dit Chon.
— À merveille, dit la comtesse ; c’est Chon qui s’installera dans l’appartement ; c’est Chon qui guettera, qui surveillera ; mais il ne faut pas perdre de temps.
— Aussi vais-je partir tout de suite, dit Chon. Les chevaux ! les chevaux !
— Les chevaux ! cria madame du Barry, en sonnant de façon à réveiller le palais tout entier de la Belle au Bois dormant.
Jean et la comtesse savaient à quoi s’en tenir sur le compte d’Andrée. Elle avait, rien qu’en paraissant, éveillé l’attention du roi : donc Andrée était dangereuse.
— Cette fille, dit la comtesse, tandis qu’on attelait, ne serait pas une vraie provinciale, si, de son pigeonnier, elle n’avait amené à Paris quelque amoureux transi ; découvrons cet amoureux, et vite un mariage ! Rien ne refroidira le roi comme un mariage, entre amoureux de province.
— Diable ! au contraire, fit Jean ; défions-nous. C’est pour Sa Majesté très chrétienne, et vous le savez mieux que personne, comtesse, un morceau très friand qu’une jeune mariée ; mais une fille ayant un amant contrarierait bien davantage Sa Majesté.
« Le carrosse est prêt », dit-il.
Chon s’élança, après avoir serré la main de Jean, après avoir embrassé sa sœur.
— Et Jean, pourquoi ne l’emmenez-vous pas ? dit la comtesse.
— Non pas, j’irai de mon côté, répondit Jean. Attends-moi rue Plâtrière, Chon. Je serai la première visite que tu recevras dans ton nouveau logement.