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JOSEPH BALSAMO




LIII

LE RETOUR DE SAINT-DENIS.


En s’éloignant de Philippe, Gilbert, comme nous l’avons dit, était rentré dans la foule.

Mais cette fois ce n’était plus le cœur bondissant d’attente et de joie qu’il se jetait dans le flot bruissant, c’était l’âme ulcérée par une douleur que le bon accueil de Philippe et ses offres obligeantes de service n’avaient pu adoucir.

Andrée ne se doutait pas qu’elle eût été cruelle pour Gilbert. La belle et sereine jeune fille ignorait complétement qu’il pût y avoir entre elle et le fils de sa nourrice aucun point de contact, ni pour la douleur ni pour la joie. Elle passait au-dessus des sphères inférieures, jetant sur elles son ombre ou sa lumière, selon qu’elle était elle-même souriante ou sombre. Cette fois, l’ombre de son dédain avait glacé Gilbert ; et comme elle n’avait fait que suivre l’impulsion de sa propre nature, elle ignorait elle-même qu’elle avait été dédaigneuse.

Mais Gilbert, comme un athlète désarmé, avait tout reçu en plein cœur, regards de mépris et paroles superbes ; et Gilbert n’avait pas encore assez de philosophie pour ne pas se donner, tout saignant comme il l’était, la consolation du désespoir.