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vient pas au cœur, parce que j’estime la vie peu de chose ; mais je me dis en présence du cadavre : « Mort ! mort ! tu es puissante comme Dieu ! Tu règnes souverainement, ô mort, et nul ne prévaut contre toi ! »

Althotas écouta Balsamo en silence et sans donner d’autre signe d’impatience que de tourmenter un scalpel entre ses doigts ; et, lorsque son élève eut achevé la phrase douloureuse et solennelle, le vieillard jeta en souriant un regard autour de lui, et ses yeux, si ardents, qu’il semblait que pour eux la nature ne dût point avoir de secrets, ses yeux s’arrêtèrent sur un coin de la salle où, couché sur quelques brins de paille, tremblait un pauvre chien noir, le seul qui restât de trois animaux de même espèce qu’Althotas avait demandé pour ses expériences, et que Balsamo lui avait fait apporter.

— Prends ce chien, dit Althotas à Balsamo, et apporte-le sur cette table.

Balsamo obéit ; il alla prendre le chien noir et l’apporta sur le marbre.

L’animal, qui semblait pressentir sa destinée, et qui déjà sans doute s’était rencontré sous la main de l’expérimentateur, se mit à frissonner, à se débattre et à hurler lorsqu’il sentit le contact du marbre.

— Eh ! eh ! dit Althotas, tu crois à la vie, n’est-ce pas, puisque tu crois à la mort ?

— Sans doute.

— Voilà un chien qui me paraît très vivant, qu’en dis-tu ?

— Assurément, puisqu’il crie, puisqu’il se débat, puisqu’il a peur.

— Que c’est laid, les chiens noirs ! Tâche, la première fois, de m’en procurer des blancs.

— J’y tâcherai.

— Ah ! nous disons donc que celui-ci est vivant ! Aboie, petit, ajouta le vieillard avec son rire lugubre, aboie, pour convaincre le seigneur Acharat que tu es vivant.

Et il toucha le chien du doigt sur un certain muscle, et le chien aboya, ou plutôt gémit aussitôt.

— Bon ! avance la cloche ; c’est cela : introduis le chien dessous… Là !…