sorcier, ce n’est pas la société que j’offense, c’est Dieu que je brave. Pourquoi alors, si je brave Dieu, Dieu qui n’a qu’un signe à faire pour me foudroyer, ne se donne-t-il pas la peine de me punir, et laisse-t-il ce soin aux hommes, faibles comme moi, soumis à l’erreur comme moi ?
— Il oublie, il tolère, murmura la jeune femme ; il attend que vous vous réformiez.
Balsamo sourit.
— Et, en attendant, dit-il, il vous conseille de trahir votre ami, votre bienfaiteur, votre époux.
— Mon époux ? Ah ! Dieu merci, jamais votre main n’a touché la mienne sans me faire rougir ou frissonner.
— Et, vous le savez, j’ai toujours généreusement cherché à vous épargner ce contact.
— C’est vrai, vous êtes chaste, et c’est la seule compensation qui soit accordée à mes malheurs. Oh ! s’il m’eût fallu subir votre amour !
— Oh mystère ! mystère impénétrable ! murmura Balsamo qui semblait suivre sa pensée plutôt que répondre à celle de Lorenza.
— Terminons, dit Lorenza ; pourquoi me prenez-vous ma liberté ?
— Pourquoi, après me l’avoir donnée volontairement, voulez-vous la reprendre ? Pourquoi fuyez-vous celui qui vous protège ? Pourquoi allez-vous demander appui à une étrangère contre celui qui vous aime ? Pourquoi menacez-vous sans cesse celui qui ne vous menace jamais de révéler les secrets qui ne sont point à vous, et dont vous ignorez la portée ?
— Oh ! dit Lorenza sans répondre à l’interrogation, le prisonnier qui veut fermement redevenir libre, le redevient toujours, et vos barreaux ne m’arrêteront pas plus que ne l’a fait votre cage ambulante.
— Ils sont solides… heureusement pour vous, Lorenza ! dit Balsamo avec une menaçante tranquillité.
— Dieu m’enverra quelque orage comme celui de la Lorraine, quelque tonnerre qui les brisera !