— Et que va-t-il faire ? savez-vous ? demanda Richelieu.
— Mais, selon toute probabilité, il va obéir.
— Hum ! fit le maréchal.
—Voici le duc ! s’écria Jean, qui faisait sentinelle près de la fenêtre.
— Il vient ici ? s’écria le duc de La Vrillière.
— Quand je vous le disais, monsieur de Saint-Florentin.
— Il traverse la cour, continua Jean.
— Seul ?
— Absolument seul, son portefeuille sous le bras.
— Ah ! mon Dieu ! murmura Richelieu, est-ce que la scène d’hier va recommencer ?
— Ne m’en parlez pas, j’en ai le frisson, répondit Jean.
Il n’avait pas achevé que le duc de Choiseul, la tête haute, le regard assuré, parut à l’entrée de la galerie, foudroyant d’un coup d’œil clair et calme tous ses ennemis ou ceux qui allaient se déclarer tels en cas de disgrâce.
Nul ne s’attendait à cette démarche après ce qui venait de se passer ; nul ne s’y opposa donc.
— Êtes-vous sûr d’avoir bien lu, duc ? demanda Jean.
— Parbleu !
— Et il revient après une lettre comme celle que vous nous avez dite ?
— Je n’y comprends plus rien, sur ma parole d’honneur !
— Mais le roi va le faire jeter à la Bastille.
— Ce sera un scandale épouvantable !
— Je le plaindrais presque.
— Ah ! le voilà qui entre chez le roi. C’est inouï.
En effet, le duc, sans faire attention à l’espèce de résistance que lui opposait l’huissier, à la figure toute stupéfaite, pénétra jusque dans le cabinet du roi, qui poussa, en le voyant, une exclamation de surprise.
Le duc tenait à la main sa lettre de cachet ; il la montra au roi avec un visage presque souriant.
— Sire, dit-il, ainsi que Votre Majesté voulut bien m’en avertir hier, j’ai reçu tout à l’heure une nouvelle lettre.
— Oui, monsieur, répliqua le roi.