Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXXV

DISGRACE.


Le lendemain, onze heures sonnaient à la grande horloge de Versailles, quand le roi Louis XV, sortant de son appartement, traversa la galerie voisine de sa chambre, et appela d’une voix haute et sèche :

— Monsieur de La Vrillière !

Le roi était pâle et semblait agité ; plus il prenait de soin pour cacher cette préoccupation, plus cela éclatait dans l’embarras de son regard et dans la tension des muscles ordinairement impassibles de son visage.

Un silence glacé s’établit aussitôt dans les rangs des courtisans, parmi lesquels on remarquait M. le duc de Richelieu et le vicomte Jean du Barry, tous deux calmes et affectant l’indifférence et l’ignorance.

Le duc de La Vrillière s’approcha et prit des mains du roi une lettre de cachet que Sa Majesté lui tendait.

— M. le duc de Choiseul est-il à Versailles ? demanda le roi.

— Sire, depuis hier ; il est revenu de Paris à deux heures de l’après-midi.

— Est-il à son hôtel, est-il au château ?

— Il est au château, sire.

— Bien, dit le roi ; portez-lui cet ordre, duc.

Un long frémissement courut dans les rangs des spectateurs, qui se courbèrent tous en chuchotant, comme les épis sous le souffle du vent d’orage.

Le roi, fronçant le sourcil, comme s’il voulait ajouter par la terreur à l’effet de cette scène, rentra fièrement dans son cabinet, suivi de son capitaine des gardes et du commandant des chevau-légers.

Tous les regards suivirent M. de La Vrillière, qui, inquiet