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mais les soleils factices des hommes, ces assemblées où vont les femmes de ce pays ; vous seriez heureuse selon vos goûts, en me rendant heureux à ma manière. Pourquoi ne voulez-vous pas de ce bonheur, Lorenza, qui, avec votre beauté, votre richesse, rendrez tant de femmes jalouses ?

— Parce que vous me faites horreur, répondit la fière jeune femme.

Balsamo attacha sur Lorenza un regard empreint à la fois de colère et de pitié.

— Vivez donc ainsi que vous vous condamnez à vivre, dit-il, et puisque vous êtes si fière, ne vous plaignez pas.

— Je ne me plaindrais pas non plus, si vous me laissiez seule ; je ne me plaindrais pas, si vous ne vouliez point me forcer à vous parler. Restez hors de ma présence, ou, quand vous viendrez dans ma prison, ne me dites rien, et je ferai comme ces pauvres oiseaux du sud que l’on tient en cage : ils meurent, mais ils ne chantent pas.

Balsamo fit un effort sur lui-même.

— Allons, Lorenza, dit-il, de la douceur, de la résignation ; lisez donc une fois dans mon cœur, dans un cœur qui vous aime au-dessus de toute chose. Voulez-vous des livres ?

— Non.

— Pourquoi cela ? des livres vous distrairont.

— Je veux prendre un tel ennui que j’en meure.

Balsamo sourit ou plutôt essaya de sourire.

— Vous êtes folle, dit-il, vous savez bien que vous ne mourrez pas tant que je serai là pour vous soigner, et vous guérir si vous tombez malade.

— Oh ! s’écria Lorenza, vous ne me guérirez pas le jour où vous me trouverez étranglée aux barreaux de ma fenêtre avec cette écharpe.

Balsamo frissonna.

— Le jour, continua-t-elle exaspérée, où j’aurai ouvert ce couteau et où je me le serai plongé dans le cœur.

Balsamo, pâle et couvert d’une sueur glacée, regarda Lorenza, et, d’une voix menaçante :