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— Et voilà précisément, madame ; j’ai entendu, moi, Sa Majesté remercier positivement le duc de ses services. Le mot a deux sens, écoutez donc : en diplomatie, chacun prend celui qu’il préfère ; vous avez choisi le vôtre, le roi a choisi le sien. De cette façon, le demain n’est plus même en litige ; c’est bien aujourd’hui, à votre avis, que le roi devait tenir sa promesse : il l’a tenue. Moi qui vous parle, j’ai entendu le remerciement.

— Duc, ce n’est pas l’heure de plaisanter, je crois.

— Croyez-vous, par hasard, que je plaisante, comtesse ? demandez au comte Jean.

— Non, pardieu ! nous ne rions pas. Ce matin, le Choiseul a été embrassé, cajolé, festoyé par le roi, et, à l’heure qu’il est, tous deux se promènent dans les Trianons, bras dessus, bras dessous.

— Bras dessus, bras dessous ! répéta Chon, qui s’était glissée dans le cabinet, et qui leva ses bras blancs comme un nouveau modèle de la Niobé désespérée.

— Oui, j’ai été jouée, dit la comtesse ; mais nous allons bien voir… Chon, il faut d’abord contremander mon équipage de chasse, je n’irai pas.

— Bon ! dit Jean.

— Un moment ! s’écria Richelieu, pas de précipitation, pas de bouderie… Ah ! pardon, comtesse, je me permets de vous conseiller ; pardon.

— Faites, duc, ne vous gênez pas ; je crois que je perds la tête. Voyez ce qu’il en est : on ne veut pas faire de politique, et le jour où on s’en mêle, l’amour-propre vous y jette tout habillée… Vous dites donc…

— Que bouder aujourd’hui n’est pas sage. Tenez, comtesse, la position est difficile. Si le roi tient décidément aux Choiseul, s’il se laisse influencer par sa dauphine, s’il vous rompt ainsi en visière, c’est que…

— Eh bien ?

— C’est qu’il faut devenir encore plus aimable que vous n’êtes, comtesse. Je sais bien que c’est impossible ; mais enfin, l’impossible devient la nécessité de notre situation : faites donc l’impossible !…