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par lui dans le nouveau séjour du dauphin et de la dauphine.

M. de Choiseul admirait tout, commentait tout avec la sagacité d’un courtisan ; il laissait le roi lui dire que le Petit Trianon devenait de jour en jour plus beau et plus charmant à habiter ; et le ministre ajoutait que c’était pour Sa Majesté la maison de famille.

— La dauphine, dit le roi, est encore un peu sauvage, comme toutes les Allemandes jeunes ; elle parle bien le français, mais elle a peur d’un léger accent qui la trahit Autrichienne à des oreilles françaises. À Trianon, elle n’entendra que des amis, et ne parlera que lorsqu’elle le voudra.

— Il en résulte qu’elle parlera bien. J’ai déjà remarqué, dit M. de Choiseul, que Son Altesse Royale est accomplie et n’a rien à faire pour se perfectionner.

Chemin faisant, les deux voyageurs trouvèrent M. le dauphin arrêté sur une pelouse et qui prenait la hauteur du soleil.

M. de Choiseul s’inclina fort bas, et, comme le dauphin ne lui parla pas, il ne parla pas non plus.

Le roi dit assez haut pour être entendu de son petit-fils :

— Louis est un savant, et il a bien tort de se casser la tête à des sciences, sa femme en souffrira.

— Non pas, répliqua une douce voix de femme sortie d’un buisson.

Et le roi vit accourir à lui la dauphine, qui causait avec un homme farci de papiers, de compas et de crayons.

— Sire, dit la princesse, M. Mique, mon architecte.

— Ah ! fit le roi, vous avez aussi cette maladie, madame ?

— Sire, c’est une maladie de famille.

— Vous allez faire bâtir ?

— Je vais faire meubler ce grand parc, dans lequel tout le monde s’ennuie.

— Oh ! oh ! ma fille, vous dites cela bien haut ; le dauphin pourrait vous entendre.

— C’est chose convenue entre nous, mon père, répliqua la princesse.