— Va donc pour l’apologue : mais ce sera transparent ?
— Comme du cristal.
— Allons.
— M’écoutez-vous, belle dame ?
— J’écoute.
— Supposez donc, comtesse… vous savez, on suppose toujours dans les apologues.
— Dieu ! que vous êtes ennuyeux, duc.
— Vous ne pensez pas un mol de ce que vous dites là, comtesse, car jamais vous n’avez écouté plus attentivement.
— Soit ; j’ai tort.
— Supposez donc que vous vous promeniez dans votre beau jardin de Luciennes, et que vous apercevez une prune magnifique, une de ces reines-claudes que vous aimez tant, parce qu’elles ont des couleurs vermeilles et purpurines qui ressemblent aux vôtres.
— Allez toujours, flatteur.
— Vous apercevez, dis-je, une de ces prunes tout au bout d’une branche, tout au haut de l’arbre ; que faites-vous, comtesse ?
— Je secoue l’arbre, pardieu !
— Oui, mais inutilement, car l’arbre est gros, indéracinable, comme vous disiez tout à l’heure ; et vous vous apercevez bientôt que sans l’ébranler même vous égratignez vos charmantes petites menottes à son écorce. Alors vous dites, en tournaillant la tête de cette adorable façon qui n’appartient qu’à vous et aux fleurs : « Mon Dieu ! mon Dieu ! que je voudrais bien voir cette prune à terre » et vous vous dépitez.
— C’est assez naturel, duc.
— Ce n’est certes pas moi qui vous dirai le contraire.
— Continuez, mon cher duc ; votre apologue m’intéresse infiniment.
— Tout à coup, en vous retournant comme cela, vous apercevez votre ami le duc de Richelieu qui se promène en pensant.