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— Duc, mon cher duc, vous êtes plein de réticences, aujourd’hui. Que diable ! quand on a commencé, on achève, ou bien l’on ne commence pas.

— Vous en parlez fort à votre aise, comtesse. Laissez-moi reprendre haleine, au moins. Où en étais-je ?

— Vous en étiez à… cependant.

— Ah ! oui, c’est vrai, et cependant, non seulement je sais que Sa Majesté n’est pas venue, mais encore je devine pourquoi elle n’est pas venue.

— Duc, j’ai toujours pensé à part moi que vous étiez sorcier ; seulement il me manquait une preuve.

— Eh bien, cette preuve, je vais vous la donner.

La comtesse, qui attachait à la conversation beaucoup plus d’intérêt qu’elle ne voulait paraître en attacher, abandonna la tête de Zamore dont ses doigts blancs et fins fourrageaient la chevelure.

— Donnez, duc, donnez, dit-elle.

— Devant M. le gouverneur ? dit le duc.

— Disparaissez, Zamore, fit la comtesse au négrillon, qui, fou de joie, s’élança d’un seul bond du boudoir à l’antichambre.

— À la bonne heure, murmura Richelieu ; mais il faut donc tout vous dire, comtesse ?

— Comment, ce singe de Zamore vous gênait, duc ?

— Pour dire la vérité, comtesse, quelqu’un me gêne toujours.

— Oui, quelqu’un, je comprends ; mais Zamore est-il quelqu’un ?

— Zamore n’est pas aveugle, Zamore n’est pas sourd, Zamore n’est pas muet ; c’est donc quelqu’un. Or, je décore de ce nom quiconque est mon égal en yeux, en oreilles et en langue, c’est-à-dire quiconque peut voir ce que je fais, entendre ou répéter ce que je dis, enfin quiconque peut me trahir. Cette théorie posée, je continue.

— Oui, continuez, duc, vous me ferez plaisir.

— Plaisir, je ne crois pas, comtesse ; n’importe, je dois continuer. Le roi visitait donc hier Trianon.