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— Ma foi, non, dit Rousseau charmé ; je l’ai cherché en vain, sur la foi de Tournefort : magnifique en vérité.

— Ah ! le charmant pavillon, dit Gilbert, qui était passé de l’arrière-garde à l’avant-garde.

— Gilbert a faim, répondit M. de Jussieu.

— Oh ! monsieur, je vous demande pardon ; j’attendrai sans impatience que vous soyez prêt.

— D’autant plus qu’herboriser après manger ne vaut rien pour la digestion, et puis l’œil est lourd, le dos paresseux ; herborisons donc encore quelques instants, dit Rousseau ; mais, comment nommez-vous ce pavillon ?

— La Souricière, dit M. de Jussieu, se souvenant du nom inventé par M. de Sartines.

— Quel singulier nom !

— Oh ! vous savez, à la campagne il n’y a que fantaisies.

— À qui sont cette terre, ce bois, ces beaux ombrages ?

— Je ne sais trop.

— Vous connaissez le propriétaire, cependant, puisque vous allez y manger, dit Rousseau en dressant l’oreille avec un commencement de soupçon.

— Pas du tout… ou plutôt je connais ici tout le monde, les gardes-chasses qui m’ont vu cent fois dans leurs taillis, et qui savent que me saluer, m’offrir un civet de lièvre ou un salmis de bécasses, c’est plaire à leur maître ; les gens de toutes les seigneuries voisines me laissent faire ici comme chez moi. Je ne sais trop si ce pavillon est à madame de Mirepoix, ou à madame d’Egmont, ou… ma foi, je ne sais plus… Mais le principal, mon cher philosophe, et votre avis sera le mien, je le présume, c’est que nous y trouverons du pain, des fruits et du pâté.

Le ton de bonhomie avec lequel M. de Jussieu prononça ces paroles dissipa les nuages qui déjà s’entassaient sur le front de Rousseau. Le philosophe secoua ses pieds, se frotta les mains, et monsieur de Jussieu entra le premier dans le sentier moussu qui serpentait sous les châtaigniers conduisant au petit ermitage.

Derrière lui vint Rousseau, toujours glanant dans l’herbe.