Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour fuir ; mais alors il serait vu sans être reconnu ; il serait pris pour un voleur, Nicole crierait au secours, il n’aurait pas le temps de regagner sa corde, et, la regagnât-il, il serait vu dans sa fuite aérienne, ce qui dénoncerait sa retraite et ferait scandale, scandale qui ne pouvait manquer d’être grand chez des gens aussi mal intentionnés que l’étaient les Taverney pour le pauvre Gilbert.

Il est vrai qu’il dénoncerait Nicole, qu’il ferait chasser Nicole ; mais à quoi cela servirait-il ? Gilbert aurait fait le mal sans profit, par pure vengeance. Gilbert n’était pas si faible d’esprit que cela, qu’il se sentît satisfait quand il serait vengé ; la vengeance sans utilité était pour lui plus qu’une mauvaise action : c’était une sottise.

Lorsque Nicole fut près de la porte de sortie où l’attendait Gilbert, celui-ci sortit donc tout à coup de l’ombre où il était caché et apparut à la jeune fille dans un rayon de lumière produit par la clarté de la lune passant à travers les vitres.

Nicole allait crier, mais elle prit Gilbert pour un autre, et, après un premier mouvement d’effroi :

— Oh ! c’est vous, dit-elle, quelle imprudence !

— Oui, c’est moi, répliqua tout bas Gilbert ; seulement ne criez pas plus pour moi que vous eussiez fait pour un autre.

Cette fois Nicole reconnut son interlocuteur.

— Gilbert ! s’écria-t-elle, mon Dieu !

— Je vous avais priée de ne pas crier, dit froidement le jeune homme.

— Mais que faites-vous ici, monsieur ? brusqua Nicole dans sa colère.

— Allons, dit Gilbert avec la même tranquillité, voilà que vous m’avez appelé imprudent tout à l’heure, et que vous êtes maintenant plus imprudente que moi.

—Oui, en effet, dit Nicole, je suis bien bonne de vous demander ce que vous faites ici.

— Qu’y fais-je donc ?

— Vous y venez voir mademoiselle Andrée.

— Mademoiselle Andrée ? dit Gilbert avec sa même tranquillité.