Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/137

Cette page n’a pas encore été corrigée

son chemin dans la foule, un jeune homme marchait, éloignant tous les survenants qui essayaient de s’emparer de ce bénéfice d’une locomotive qu’il semblait avoir confisquée à son profit.

Quand le carrosse s’arrêta, le jeune homme se jeta de côté, mais sans lâcher le ressort protecteur auquel il continua de se cramponner d’une main. Il put donc entendre par la portière ouverte la conversation animée des maîtres de la voiture.

Une tête de femme, vêtue de blanc et coiffée avec quelques fleurs naturelles, se pencha hors de la portière. Aussitôt, une voix lui cria :

— Voyons, Andrée, provinciale que vous êtes, ne vous penchez pas ainsi, ou, mordieu ! vous risquez d’être embrassée par le premier rustre qui passera. Ne voyez-vous pas que notre carrosse est au milieu de ce peuple comme il serait au milieu de la rivière ? Nous sommes dans l’eau, ma chère, dans l’eau sale ; ne nous mouillons pas.

La tête de la jeune fille rentra dans la voiture.

— C’est qu’on ne voit rien d’ici, monsieur, dit-elle ; si seulement nos chevaux pouvaient faire un demi-tour, nous verrions par la portière, et nous serions presque aussi bien qu’à la fenêtre du gouverneur.

— Tournez, cocher, cria le baron.

— C’est chose impossible, monsieur le baron, répondit celui-ci ; il me faudrait écraser dix personnes.

— Eh ! pardieu ! écrase.

— Oh ! monsieur ! dit Andrée.

— Oh ! mon père ! dit Philippe.

— Qu’est-ce que c’est que ce baron-là qui veut écraser le pauvre monde ? crièrent quelques voix menaçantes.

— Parbleu ! c’est moi, dit de Taverney qui se pencha, et, en se penchant, montra un grand cordon rouge en sautoir.

Dans ce temps-là, on respectait encore les grands cordons, même les grands cordons rouges ; on grommela, mais sur une gamme descendante.

— Attendez, mon père, je vais descendre, dit Philippe, et voir s’il y a moyen de passer.