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quel état avons-nous trouvé Versailles ? Dites. Partout le deuil, la ruine. Oh ! oui, oui, la tempête s’accorde bien avec la fête qu’on me fait. N’est-il pas convenable qu’il y ait un ouragan pour cacher à notre peuple les misères de notre palais ? la nuit ne sera-t-elle pas favorable et bien venue qui cachera ces allées pleines d’herbe, ces groupes de tritons vaseux, ces bassins sans eau et ces statues mutilées ? Oh ! oui, oui, souffle, vent du sud, mugis, tempête ; amoncelez-vous, épais nuages ; cachez bien à tous les yeux l’étrange réception que fait la France à une fille des Césars, le jour où elle met sa main dans la main de son roi futur !

Le dauphin, visiblement embarrassé, car il ne savait que répondre à ces reproches et surtout à cette mélancolie exaltée, si loin de son caractère, le dauphin poussa à son tour un long soupir.

— Je vous afflige, dit Marie-Antoinette ; cependant ne croyez pas que ce soit mon orgueil qui parle ; oh ! non, non ! il n’en est rien ; que ne m’a-t-on montré seulement ce Trianon si riant, si ombreux, si fleuri, dont, hélas ! l’orage effeuille sans pitié les bosquets et trouble les eaux ; je me fusse contentée de ce nid charmant ; mais les ruines m’effraient, elles répugnent à ma jeunesse, et pourtant que de ruines va faire encore cet affreux ouragan !

Une nouvelle bourrasque, plus terrible encore que la première, ébranla le palais. La princesse se leva épouvantée.

— Oh ! mon Dieu ! dites-moi qu’il n’y a pas de danger ! Dites-le-moi, y en eût-il… Je meurs d’effroi !

— Il n’y en a point, madame. Versailles, bâti en terrasse, ne peut attirer la foudre. Si elle tombait, ce serait probablement sur la chapelle qui a un toit aigu, ou sur le petit château qui offre des aspérités. Vous savez que les pointes sollicitent le fluide électrique, et que les corps plats, au contraire, les repoussent.

— Non ! s’écria Marie-Antoinette, je ne sais pas ! je ne sais pas !

Louis prit la main de l’archiduchesse, main palpitante et glacée.